mardi 24 avril 2012

Le musée et la lutte contre les stéréotypes sexistes

Au départ, il y a une question de Louise adressée à des élèves du collège nantais Stendhal : "Est-ce qu'on vous regarde d'une certaine manière parce que vous êtes des filles/des garçons ?". A priori anodine, cette question vient à propos pour lancer le débat sur les stéréotypes sexistes.
C'est ce qui ressort d'un atelier d'écriture animé par Louise Courtin, l'auteure des définitions machistes diffusées dans le hall de l'exposition "Nantaises au travail". Pour Louise, l'objectif est d'amener les jeunes à réfléchir sur l'inconscient collectif en matière de choix d'orientation professionnelle. Le tour de table s'avère révélateur : sans grande surprise, les garçons souhaitent exercer des métiers traditionnellement dominés par des hommes (informatique, ingénieur, paysagiste, métiers techniques), les filles des métiers traditionnellement dominés par des femmes (filière sociale, infirmières, hôtesse de l'air). Seule une élève se différencie : Marina souhaite devenir entraineuse de rugby. En prononçant le mot "entraineuse", elle hésite. Ces quelques secondes viennent à point nommé pour Louise. Elle va en profiter pour demander aux élèves de définir deux métiers de manière à les promouvoir. Les filles doivent rédiger des définitions de métier traditionnellement réservés aux hommes en les féminisant, et inversement pour les garçons.
Le résultat ?
Au lieu d'utiliser les formes officielles de féminisation des mots pilote, paysagiste, bagagiste, auteur et psychiatre*, les élèves ont inventé d'autres mots tels que une piloteuse et une pilotière à la place d'une pilote, une paysagistière pour une paysagiste, une bagagistienne au lieu d'une bagagiste, une autrice pour une auteure, enfin, une psychiatrice à la place d'une psychiatre. Sans doute, parce qu'elles ne distinguent pas les deux genres, du moins à l'oral pour le métier auteure, les formes officielles n'ont pas eu la côte auprès de ces jeunes qui ont, par contre, utiliser les bons mots pour maçonne, chauffeuse, pizzaïola et plombière...
Ainsi, peut-on lire les définitions suivantes :
"Maçonne : métier de plein air, au soleil, qui vous évite de faire des UV
Plombière : nouvelle séductrice; les hommes font les beaux mais vous aussi".
De tels arguments, pour promouvoir des métiers traditionnellement "masculins", peuvent prêter à sourire. Quoique... Étrangement, ces définitions font écho à certaines réactions des élèves face à la question introductive de Louise. Une jeune fille avait ainsi répondu : "Quand on marche, une fille, c'est fait que pour satisfaire un gars".
Assurément, les stéréotypes sexistes ont la vie dure au sein des collèges. Que des enseignants s'investissent dans des projets pour lutter contre ces phénomènes, c'est bien. Et si un musée comme le nôtre peut contribuer à les épauler, même à court terme, c'est tant mieux.

*En 1999, la féminisation des noms de métiers devient officielle lorsque, sous Lionel Jospin, le gouvernement français publie Femme, j’écris ton nom… guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, grades, titres et fonctions. Rapport consultable en ligne : http://www.dglflf.culture.gouv.fr/ressources/feminisation.pdf

vendredi 6 avril 2012

Des apprenties camerawomen dans l'expo...

Une fois n'est pas coutume, vendredi dernier, Krystel, la commissaire de l'exposition, a été interviewée par quatre lycéennes en classe de seconde du lycée Notre Dame de Bonnes Nouvelles de Beaupréau. Leur objectif est de réaliser un film sur la préparation d'une exposition dans un lieu culturel. Ce projet s'insère dans le dispositif de l'Accompagnement Personnalisé, mis en place dans les lycées professionnels depuis la rentrée 2009-2010. Karine, professeure de mathématiques au lycée de Beaupréau, fait partie des enseignants qui en assurent le suivi. Avec elle, d'autres collègues et aussi des professionnels de l'audiovisuel, ont appris aux élèves à mener un interview et à utiliser une caméra. Au final, le film ne devra durer que 2'30. Nul doute, il va falloir couper ! D'autant que Krystel n'est pas la seule à avoir été filmée. David, chargé du développement culturel au musée mais aussi, Angélique, médiatrice culturelle et Jacques, éclairagiste, tous ont été sollicités.  
Héloïse, Alicia, Caroline et Noémie sont confiantes, elles sont bien entourées. De retour dans leur lycée, elles apprendront à composer avec une table de mixage...Du vrai travail de pro pour ces jeunes femmes. Parmi elles, peut-être une future cameraman, pardon, "camerawomen" ? Et oui, il est loin le temps (mais pas tant que ça en fait...), où l'on enseignait aux élèves de l'école nationale supérieure Louis Lumière (ex école Vaugirard) que "les femmes à la caméra rencontrent un gros problème: quand elles ont leurs règles, elles ne voient plus les couleurs de la même façon" (dixit Marie Desplechin, "Des femmes derrière la caméra, un film d'anticipation ?", L'Express, publié le 25.03.2011).

mardi 27 mars 2012

Votre avis nous intéresse

A l'accueil de l'exposition "Nantaises au travail" trône une boîte sur laquelle il est écrit : "Votre avis sur l'exposition nous intéresse". Que deviennent ces papiers une fois postés dans l'urne ? C'est la question que j'ai posée à Natacha. En tant que responsable du pôle accueil au sein du service des publics, c'est elle qui a le grand honneur de les recueillir jour après jour.
Natacha me raconte alors leur histoire. Selon l'objet de leur message, leur pérégrination au sein du château diffèrera : direction le service technique pour les uns, ou encore le bureau de Krystel (la commissaire d'exposition), pour les autres.
De la lecture de l'ensemble des avis (une soixantaine), il ressort une grande satisfaction du public. Ainsi peut-on lire plusieurs fois que l'exposition est "agréable à regarder" et "très intéressante".
Pour le coup, j'en viendrais presque à le regretter...Craignant le manque de crédibilité de mon article, je me concentre alors sur les quelques avis négatifs. Le plus souvent, ceux-ci portent sur le confort de la visite : un visiteur critique le manque de ventilation tandis que trois autres regrettent la faiblesse du volume sonore des multimedia.  Bien sûr, pour l'équipe du musée, il ne s'agit pas de prendre au pied de la lettre chacun des avis; elle sera attentive aux remarques répétitives.
Et l'ajout de casques tout beaux tout neufs à proximité des bornes multimedia témoigne de cette écoute...

jeudi 8 mars 2012

Et maintenant comment agir pour l'égalité ?

Comme chaque année, le débat sur l’utilité de la journée de la femme suscite beaucoup de littérature. Selon certains, cette journée n’aurait même que des effets pervers : elle contribuerait à augmenter les clichés sur les femmes…L’an dernier, le 8 mars 2011, dans un papier sous-titré « Journée de la femme : Dies Irae», la blogueuse Coralie Delaume  s’amusait à imaginer les salles d’un musée de la femme. D’ailleurs, elle ne croyait pas si bien dire…les musées de la femme existant bel et bien (Québec, Allemagne, Danemark…).
On le sait, chaque journée anniversaire est l’occasion pour les institutions, de proposer un programme exceptionnel en lien avec celle-ci. La journée de la femme ne semble pas échapper à la règle. Ainsi, les musées parisiens proposent-ils des animations gratuites sur le thème des femmes et leur évolution à travers l’art et la littérature.
Simple instrumentalisation ? Certes, ce type d’animation ne contribue pas forcément  à enrichir le débat sur l’égalité des hommes et des femmes.
Pourtant, de grandes causes n’auraient peut-être pas tant d’impact médiatique si cette journée n’existait pas. Et là, je pense à la pétition lancée par huit femmes activistes lors des printemps arabes, dont un appel a pu être entendu ce matin, via la voix de Dominique Blanc, sur France Inter. 
En tout les cas, utilité ou non d’une telle journée, cette année, le musée d’histoire de Nantes n’échappera pas, lui non plus, à la règle puisqu’il  propose ce soir, dans le cadre de l'expo "Nantaises au travail", une rencontre-débat sur les femmes au travail. 
Déjà lors de la rencontre du samedi 11 février, cette question avait été abordée. L’AURAN (l’Agence d’Urbanisme de la Région Nantaise) avait dressé une histoire des femmes au travail dans la région nantaise et apporté des éléments de réflexion pour mener un débat sur l’égalité hommes /femmes. Mais ce soir, la rencontre, intitulée "Femmes au travail, et maintenant comment agir pour l'égalité ? " va au-delà puisqu’il s’agit de s’interroger sur les solutions à trouver pour lutter contre les inégalités. Organisée par la ville de Nantes, avec le Laboratoire de l’Egalité, l’AFCCRE (Association Française du Conseil des Communes et Régions d'Europe) et le Conseil d’Analyse Stratégique, cette rencontre est aussi, il me semble, une occasion, d’aller au-delà d’un discours misérabiliste sur la femme, et donc d’avancer…Simple affaire de com’ croyez-vous ? A vous de juger !
Rendez-vous ce soir, à 18h00, dans le bâtiment du Harnachement (Attention, entrée libre dans la limite des places disponibles).

samedi 11 février 2012

Bienvenue à vous !

Attention, d'ici quelques minutes, les portes du bâtiment du Harnachement s'ouvriront.
L'artiste Delphine Bretesché va s'installer. Les hôtesses d'accueil sont déjà là; prêtes à vous accueillir. Sur le plateau de l'exposition, l'éclairage est allumé et les multimedia, mis en fonctionnement, semblent, pour l'heure, parler dans le vide. Mais plus pour bien longtemps. D'ici cinq minutes, les visiteurs seront là.
Il y a trois jours, j'ai rencontré Joëlle, une collègue. Elle m'a expliqué avoir reçu mercredi dernier la commission de contrôle. Je l'avais oubliée, cette visite. Petit explication rapide si vous me le permettez. Avant d'ouvrir ses portes, tout lieu recevant du public reçoit cette commission de sécurité afin de vérifier l'allumage du système de secours, de repérer les indications d'évacuation et de vérifier les PV de classement de réaction au feu des matériaux. Bien entendu, tout était dans les règles; nous pouvons vous accueillir !
Il y a deux jours avait lieu une autre formalité : la conférence de presse. Parce qu'ouvrir c'est bien mais encore faut-il le faire savoir...
Hier. J moins un. Une autre formalité. La dernière. Le vernissage. Tout premier public avant l'ouverture tant attendue d'aujourd'hui.
Dix heures s'affichent sur mon écran. Ça y est, les portes peuvent s'ouvrir ! D'avance, nous vous souhaitons la bienvenue dans l'exposition. Surtout, n'hésitez pas à nous faire part de vos impressions. Le blog continue pour cela. Et si le sujet du partage des tâches domestiques vous tient à coeur, n'oubliez pas la conférence d'aujourd'hui, c'est à quinze heures, je crois. A bientôt,

mardi 7 février 2012

Socler : l'art d'utiliser le métal au service des objets

Une brouette de lavandières. Dans une exposition. Comment la présenter sans dénaturer son propos et tout en assurant sa protection ? S'il ne s'agit pas de l'élever au titre d'une oeuvre d'art, il faut aussi dissuader tout visiteur fatigué de la voir comme un siège...
Autre exemple. Autre cas de figure. Une coiffe. Comment faire tenir debout cet objet sans utiliser de mannequin tout en assurant sa conservation ?
Ces problématiques, la scénographie y répond de différentes manières. La vitrine -ou simple cloche- est un outil d'exposition.Mais disposer la brouette des lavandières dans une vitrine pourrait prêter à sourire. Un autre outil d'exposition semble mieux s'y prêter : le socle. Des gros. Des petits. Des visibles. Des invisibles. Leur choix n'est jamais anodin. Au même titre que l'éclairage, le soclage est un outil d'exposition essentiel pour donner du sens aux objets présentés.
Pour socler les petits objets tels que la coiffe et les battoirs, le musée a fait appel à l'entreprise parisienne "François Lunardi". Parmi les cinq salariés qui la composent, il y a Mariane. C'est elle qui a travaillé sur l'exposition "Nantaises au travail". Son métier ? "Socleuse". C'est ainsi qu'elle se présente -ne cherchez pas ce mot dans le dictionnaire, il n'y figure pas. "Il s'agit d'un petit monde dans lequel tout le monde se connait" me dit-elle. Mais au fait, comment devient-on "socleuse" ?
Si Mariane sait si bien jouer avec le métal c'est qu'elle s'est formée à ce matériau à l'école Boulle -école supérieure des arts appliqués. Ensuite ? Elle n'a pas suivi de formation "soclage". Et pour cause, ça n'existe pas. C'est donc un peu par hasard, au cours d'un stage, qu'elle est tombée dans cet univers.
Pour l'exposition, son intervention se limite à peu d'objets. Elle est toutefois essentielle car sans elle, comment présenter notre coiffe ? Ici, le rôle du socle -quasiment invisible- est de la mettre en exergue. Sa protection est en effet assurée par une cloche. Le socle s'est tant effacé que la coiffe semble flotter dans la vitrine.
Socler : l'art de se rendre invisible ? Oui, pour mieux mettre en valeur l'objet. Le socleur, au même titre que l'éclairagiste qui cherchera à orienter ses spots vers l'objet plutôt que vers l'outil d'exposition, est pleinement au service de l'objet.



mercredi 1 février 2012

Du scénario de l'exposition aux scénarios de visites de l'expo

Le Harnachement. Une commissaire d'expo, des régisseuses, la scénographe, des techniciens -poseurs de cadres et électriciens. Des Nantaises et Nantais au travail. Des postes informatiques pour les multimedias. Voilà, ce qu'installaient les électriciens la dernière fois que je les ai vus. Une ambiance.
Puis, la cour du château, je la traverse.
Et la Tour de la Boulangerie. De l'autre côté de la cour. A l'intérieur, les médiatrices. Des Nantaises au travail. Postées derrière leur poste informatique. Elles rédigeaient leur scénario de visites la dernière fois que je les ai rencontrées. Autre ambiance.
D'un côté, la mise en place du scénario d'exposition imaginé par la commissaire d'exposition.
De l'autre côté, la rédaction de divers scénarios de visites adaptés aux publics : jeunes, adultes, public handicapé.
Candice, la médiatrice référente de l'exposition, travaille sur la visite destinée aux collégiens et lycéens. Il s'agira d'une visite contée suivie d'un échange avec les élèves sur la question de l'égalité des sexes dans les écoles d'aujourd'hui. L'ambition est belle. Espérons que les jeunes soient réactifs.
Pour Candice, la forme contée peut permettre aux jeunes de mieux comprendre et s'accaparer des thématiques de l'expo grâce à la création de parcours de vie de quatre Nantaises. Quatre personnages fictifs. Certes. Mais tous auraient très bien pu exister. Il n'est pas question de créer des anachronismes. Parmi elles, une jeune fille de "bonne famille" des années 1930 et une ouvrière sertisseuse LU. Montrer aux jeunes à quoi aurait pu ressembler la vie d'une telle femme, vivant dans le Nantes du début du 20e siècle. Surtout, dans son travail, à quelles ambitions professionnelles pouvait-elle prétendre ? Montrer ceci afin de mieux mettre en perspective la situation des femmes au travail aujourd'hui. Une autre manière de découvrir l'exposition.